Avec ma collègue Liliane Galley (Vert.e.s), nous avons déposé une motion cosignée par 33 députés demandant au Conseil d’Etat de modifier la loi afin que les bénéficiaires de réductions de primes maladie puissent faire valoir leur situation financière actuelle, et non celle d’il y a deux ans. Un tel décalage peut avoir des conséquences fâcheuses pour les bénéficiaires se trouvant dans une situation précaire.
La responsabilité de la mise en œuvre des réductions des primes pour l’assurance-maladie incombe aux cantons et il existe passablement de différences dans les procédures spécifiques appliquées par ces derniers. L’article 65 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) prévoit quelques éléments à respecter. En matière de temporalité, l’al. 3 de cet article dispose :
« Les cantons veillent, lors de l’examen des conditions d’octroi, à ce que les circonstances économiques et familiales les plus récentes soient prises en considération, notamment à la demande de l’assuré. Après avoir déterminé le cercle des ayants droit, les cantons veillent également à ce que les montants versés au titre de la réduction des primes le soient de manière à ce que les ayants droit n’aient pas à satisfaire à l’avance à leur obligation de payer les primes. »
Tous les cantons se basent sur des taxations fiscales pour déterminer les circonstances économiques. Dans le canton de Fribourg, c’est la situation de la période fiscale t-2 ans qui est prise en compte, la conversion des données du Service des contributions (SCC) ayant lieu le plus tard possible, mais juste avant l’envoi des factures des nouvelles primes par les assureurs. D’autres cantons font la conversion des données plus tôt et sont contraints de prendre les données de la période t-3 ans. Un délai de trois ans est considéré par le Tribunal fédéral comme acceptable.
Ce délai entre les revenus pris en compte et le montant accordé de réduction de prime entraîne toutefois des conséquences : certains ayants-droits peuvent en effet se retrouver dans des situations particulièrement compliquées. Une personne ayant une situation financière précaire, sans toutefois être bénéficiaire de l’aide sociale et dont les revenus varient d’année en année, n’aura dans ce cas de figure pas droit aux réductions de primes quand elle en aurait le plus besoin.
Cette situation touche des personnes particulièrement vulnérables en raison de leur situation économique critique conjuguée à l’instabilité de leur situation professionnelle. Les récentes statistiques de l’Office fédéral de la statistique montrent que le taux de pauvreté est en hausse. Dès lors, le nombre de personnes concernées, à savoir celles dont la situation serait rendue difficile par un décalage entre le droit aux réductions de prime et le moment du versement effectif est potentiellement en augmentation.

Par ailleurs, toujours selon l’OFS, la mobilité professionnelle est nettement plus élevée au sein de la population ayant un revenu inférieur à la moyenne. Cet élément plaide en faveur de la prise en compte de variations minimes de revenus car les conséquences de l’octroi des réductions de primes sont particulièrement importantes auprès de cette population qui peine parfois à boucler ses fins de mois.

Source : graphique propre basé sur les chiffres de l’OFS : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/activite-professionnelle-temps-travail/population-active/mobilite-professionnelle.assetdetail.22604060.html
Considérant :
- L’inadéquation du système actuel, impliquant un décalage trop important entre le versement de la réduction de prime et la situation économique réelle de l’ayant-droit ;
- L’importance de se préoccuper des personnes les plus vulnérables ;
- La jurisprudence du Tribunal fédéral validant le fonctionnement actuel ;
- La base légale fédérale ;
Nous demandons au Conseil d’Etat d’instaurer un système permettant de réduire le décalage entre la décision de réduction de prime et son versement, en créant par exemple un organisme cantonal d’avance des réductions de primes pour les personnes en situation économique modeste, et dont les revenus varieraient d’au moins 10% d’une année à l’autre. Cette modification s’inscrira dans l’art. 14 de la Loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LALAMal, RSF 842.1.1) concernant l’aide aux assurés ainsi que dans l’Ordonnance concernant la réduction des primes de caisse-maladie (ORP, RSF 842.1.13).
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