Débat sur l’avenir des médias – un parlement paternaliste et des médias satisfaits d’eux-mêmes

En réponse à un état des lieux actuel des médias fribourgeois, beaucoup d’intervenants ont fait part de leur souhait d’introduire une aide structurelle aux médias, sans jamais se demander quelle était la cause de l’érosion du lectorat, tout particulièrement chez les plus jeunes. L’incapacité du secteur à relever les défis du numérique, en restant attaché aux acquis d’hier (le bon vieux papier), est sans nul doute la raison du déclin des médias traditionnels.

(extraits)

Plutôt que de réfléchir aux raisons de désamour du public envers sa presse locale, et de l’absence d’autocritique de celle-ci, le Grand Conseil a préféré faire preuve de paternalisme en acceptant une motion débattue juste après cet état des lieux : puisque les jeunes ne s’abonnent pas aux journaux, seule source d’information fiable (selon une majorité du parlement), que l’Etat paie leur abonnement. Les journaux, non contents d’avoir des recettes supplémentaires, ne seront pas incités à s’adapter.

Voici le texte de mon intervention contre la motion « Une année d’abonnement à un journal pour tous les nouveaux citoyens du Canton de Fribourg », acceptée par une majorité du Parlement.

Les jeunes ne sont pas dupes, bien qu’ils ne lisent pas la presse traditionnelle, ils savent détecter les fausses informations sur les réseaux sociaux. Ils faut donc croire qu’ils ont accès à l’information, et savent faire preuve de sens critique, sans avoir besoin d’un parlement voulant faire preuve de paternalisme, en leur offrant des journaux.


Voici le texte de mon intervention sur le rapport « Etat des lieux actuel des médias fribourgeois, de leur financement et de leur avenir (Rapport sur postulat 2021-GC-16) »

Je remercie le Conseil d’Etat pour son rapport, qui analyse de manière objective la situation actuelle et dresse des perspectives réalistes. Je peux également suivre ses conclusions quant au rôle de l’Etat dans son soutien aux médias. Car bien qu’ayant signé, il y a peu, un courrier indiquant mon soutien à la presse locale, je me dois de porter un regard critique sur la situation actuelle. Je suis attaché à la diversité des médias, bien sûr, mais pas à n’importe quel prix.

« Confrontées à des modifications structurelles du marché des médias et des habitudes de consommation de l’information, nos entreprises n’attendent pas leur salut des pouvoirs publics. Elles agissent, s’adaptent et investissent. Mais la transition numérique a un impact durable et un coût qu’un soutien du canton allégerait de manière bienvenue. » Il s’agit là d’un extrait du courrier que nous avons tous reçu (cosigné par l’ensemble des médias fribourgeois). Je tiens à rappeler que la transition numérique n’a pas déboulé avant-hier sans crier gare. La transition numérique a débuté il y a un quart de siècle et elle a été royalement ignorée par nos médias. Alors qu’internet et les réseaux sociaux révolutionnaient la façon dont était diffusée l’information – instantanée, interactive, gratuite, sans filtre – les médias traditionnels ne s’adaptaient pas. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est bien en raison de l’immense retard pris par nos médias pour relever les défis du numérique, c’est bien parce que nos médias se sont cramponnés à des acquis d’un autre temps :
• Mythe du papier.
• Structures internes rigides.
• Dédain pour les réseaux sociaux.

Pour compenser un retard qu’ils ne peuvent plus rattraper seuls, les médias appellent l’Etat à la rescousse : si le lecteur potentiel ne veut plus payer pour un service, pourquoi ne pas l’y forcer, en puisant dans sa poche de contribuable ? Car c’est ça, une subvention étatique. Pourtant, subventionner sans s’attaquer aux causes de cette défiance du public envers les médias risque de n’avoir que peu d’impact et contribuer à alimenter leur rejet par les citoyens. Bien qu’on nous rappelle qu’une majorité des fribourgeoises et des fribourgeois ont soutenu des mesures fédérales d’aide à la presse, l’on ne doit pas oublier que plus de 60% des personnes ayant le droit de vote ne sont même pas déplacées pour donner leur avis, preuve que le sujet ne passionne pas les foules. Nous sommes donc loin, très loin d’un plébiscite populaire en faveur d’un soutien à nos médias. Sans compter que le bilinguisme, évoqué pour justifier des coûts élevés, n’a pas convaincu la minorité alémanique de notre canton, plus sceptique à un soutien fédéral aux médias que les romands.

A mon sens, la liberté des médias doit passer, à terme, par leur indépendance financière. Nous ne pourrons en effet pas maintenir éternellement en vie des médias qui n’ont plus suffisamment de lecteurs, d’auditeurs ou de téléspectateurs, sous prétexte d’un intérêt public prépondérant, que seule une minorité toujours plus étriquée considère encore comme tel. Il n’est pas adéquat que les contribuables paient pour du contenu diffusé avec des méthodes d’un autre temps, ou qui ne les intéressent pas.
Si une aide étatique cantonale était instaurée, elle devra être limitée dans le temps, et couplée à des objectifs clairs et précis, visant l’autonomie financière des médias en question dans les plus brefs délais.

Avant de conclure, je le rappelle encore : la transition numérique a débuté il y a un quart de siècle. Celles et ceux qui ont fermé les yeux durant trop d’années ne peuvent, aujourd’hui, feindre la surprise.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :