Les communes de la Gruyère, de la Glâne et de la Veveyse ont accepté les modifications de statuts du projet de réorganisation de la défense incendie en un seul bataillon pour le Sud, baptisée Secours sud fribourgeois.
Article paru dans La Gruyère, 26 février 2022 – Ann-Christin NÖCHEL
Il y avait foule, jeudi soir, lors de l’assemblée extraordinaire qui s’est tenue à Châtel-Saint-Denis. Elle avait pour but la validation de la révision totale des statuts de l’association Ambulances sud fribourgeois. Cette dernière regroupera bientôt les corps de pompier communaux des trois districts et les ambulances au sein d’un même organisme, sous le nom Secours sud fribourgeois.
Sur les 208 voix des communes du Sud, 201 étaient représentées par un membre d’un exécutif. Les délégués se sont ainsi retrouvés face aux trois préfets et à leurs lieutenants. «Le temps est court et le travail à réaliser encore important », a d’emblée déclaré Willy Schorderet, préfet de la Glâne et président de l’actuelle association Ambulances sud fribourgeois.
Dès le 1er janvier 2023, la loi sur la défense incendie et les secours (LDIS), adoptée en 2021 par le Grand Conseil, déploiera complètement ses effets. La décision avait été prise de faire fonctionner les sapeurs-pompiers en un seul bataillon (La Gruyère du 2 octobre 2021). Plusieurs communes ont soulevé des inquiétudes – déjà formulées depuis un certain temps – en début d’assemblée.
Pouvoir aux communes
Comme Savio Michellod, syndic de Granges et député PLR: «Ce soir, il est demandé aux communes de prendre des décisions inacceptables. Il n’y a ni budget consolidé ni planification financière.» Il a également mentionné les coûts supplémentaires que cette « réforme majeure » engendrerait pour les communes.
En réponse, les préfets ont été catégoriques: «Nous avons mené un travail préparatoire qui nous a pris beaucoup de temps et nous voulons désormais passer la main aux communes.
Ce sera à elles de prendre les grandes décisions. » Willy Schorderet l’a d’ailleurs rappelé tout au long de ces trois heures et demie d’assemblée, n’enchantant visiblement pas les quelques communes réfractaires au projet. Un autre point appuyé à plusieurs reprises par les préfets: la séparation entre dimension opérationnelle et administrative. Ce sont les associations de communes qui s’assureront de cette dernière. Alors que la Commission cantonale de la défense incendie (CDIS) se chargera de la défense incendie et des secours. «Le choix des bases de départ et le périmètre d’intervention ne dépendent pas des communes», a rappelé Willy Schorderet.
Des «pistes de réflexion»
Afin de poursuivre le travail mené par les préfectures, une nouvelle commission a été nommée, baptisée Nouvelle structure. Elle comprendra finalement 13 membres: un préfet, François Genoud, et quatre représentants pour chaque district, dont un de chaque chef-lieu.
C’est à elle que reviendra l’essentiel du travail à venir, dont l’élaboration d’une planification financière et d’un budget. «Je le répète, nous ne donnons ce soir que des pistes de réflexion. Tout est encore à préciser», a noté le préfet de la Veveyse. D’où le fait qu’aucun échéancier précis n’ait été communiqué et que le budget présenté ne l’était qu’à titre informationnel. «Il s’agit d’une première vision d’ensemble», ce qui a d’ailleurs déplu à certaines communes, estimant qu’il est «difficile de se projeter sans cadre clair».
Plusieurs points clés ont néanmoins été abordés au travers de modifications apportées aux statuts et de divers commentaires soumis par les communes. Comme la possible location des bases de départ – appartenant aux communes – par l’association durant un certain nombre d’années. «On a déjà du mal à faire passer des statuts, alors imaginez le rachat des bases», a avoué Willy Schorderet. Le lieu de l’administration, ainsi que celui de son siège juridique, a également été évoqué. «Ils seront sans doute basés à Châtel-Saint-Denis, pour des questions de place et de modernité des locaux», a indiqué François Genoud.
Quant aux coûts, autre inquiétude soulevée à plusieurs reprises, une étude préparatoire a fait ressortir le montant de 48 francs en moyenne par habitant et par année.
Le poids des chefs-lieux
La modification des statuts, reprise article par article et ponctuée de nombreuses interventions, a écopé de quatre amendements supplémentaires. Tous ont été refusés.
Les propositions faites par le comité de pilotage ont finalement reçu le soutien de la majorité des communes et, surtout, des chefs-lieux. Un poids qui s’est fait ressentir lors du vote final: 165 oui contre 35 non, les statuts modifiés, mais non amendés, ont été acceptés.
Les préfets ont, tout de même, suspendu l’assemblée quelques minutes, juste avant le vote. François Genoud s’est exprimé à ce sujet: «Voilà une vingtaine d’années que je suis la mise en place d’associations. Jamais nous n’en avions vécu une comme celle-ci. Cette configuration est extraordinaire, dans tous les sens du terme.» La commission devra encore nommer un administrateur ces prochaines semaines. Le projet devrait être finalisé en novembre.
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Des prochains mois bien chargés
RÉACTIONS. Au lendemain de cette intense assemblée, les trois préfets s’estiment satisfaits. «Compte tenu de la difficulté de l’exercice et de l’émotion suscitée depuis bien longtemps par ce sujet, on peut dire que cela aurait pu être bien pire», note François Genoud. Le Veveysan souligne les discussions constructives amenées: «Un nombre important de communes ont des craintes, des questionnements et une certaine perplexité. On a pu, globalement, en dissiper une partie, même s’il y a toujours deux ou trois exceptions.»
Willy Schorderet mentionne même qu’un «doute existait quant à l’approbation des statuts, car il y a une semaine en arrière, nous n’aurions pas eu les mêmes résultats». Selon lui, la rencontre organisée au préalable avec les syndics de la Glâne a été bénéfique. La balle est maintenant dans le camp de la commission toute fraîchement élue, qui devra abattre une sacrée charge de travail. Le préfet François Genoud en fera partie (en tant que président ou non, cela n’a pas encore été défini). Il s’est déjà mis à la tâche. «Il faut donner les impulsions, réunir tout le comité au mois de mars et aller de l’avant.» Tout doit être prêt pour novembre, à la prochaine assemblée des délégués consacrée au budget. A savoir: «Les règlements, la planification financière, les tarifs officiels, mais aussi le personnel.»
Propositions concrètes
Pour le syndic de Granges Savio Michellod, certaines choses n’ont pas été faites juste «ni dans la forme, ni dans le fond». Il n’ira cependant pas plus loin. «J’étais opposé à ce bataillon sud. Je vais devoir faire avec, mais cela montre qu’on n’a pas envie de nous écouter.» Un sentiment d’impuissance partagé par Lucas Dupré, conseiller communal à Villorsonnens: «On a regretté de ne pas avoir de planification financière réaliste. On a donné unchèque en blanc hier soir et tout est toujours très flou.» Désormais approuvés, les statuts devront être présentés lors des prochaines assemblées communales. «Puisque l’association peut être créée, toutes les communes, sans exception, devront les adopter. C’est une grosse
pression pour la commission», explique Willy Schorderet. Lucas Dupré et Savio Michellod sont unanimes: «L’association doit maintenant prendre forme, arriver avec des propositions concrètes et un coût raisonnable. En l’état, il serait très compliqué de la défendre devant le Législatif.»
Le côté opérationnel les inquiète également. «La motivation des corps baisse chez les pompiers de milice, c’est un constat général. Je ne suis pas sûr que la configuration envisagée soit un coup de pouce, bien au contraire», regrette Lucas Dupré.
Organisation du bataillon
Le commandant du Centre de renfort de la Veveyse, Damien Corvaglia, était également présent lors de l’assemblée ce jeudi soir. Il préside l’un des groupes de travail mis sur pied par les préfets, consacré à l’organisation du bataillon des pompiers. «Au niveau de la planification générale, dès le 1er janvier 2023, un commandement et une administration centralisée seront mis en place», a-t-il expliqué. Une phase de transition débutera dans un même temps. «A la même date, il y aura encore 14 points de départ officiels.
Les locaux actuels seront maintenus, avec leur personnel et leur matériel, sauf volonté politique indiquant le contraire.» Le nombre de compagnies, quant à lui, est encore en attente de validation. Si fermeture de casernes il y a, elle se fera de manière progressive, «nous ne souhaitons pas perdre un potentiel de compétences et de connaissances en passant par une fermeture trop abrupte».
Quant aux points de départ non retenus, ils seront rattachés à un point de départ officiel durant cette période de transition. «Ce printemps, des rencontres auront lieu avec les états-majors ainsi que les délégués politiques, afin de définir des solutions concrètes à court, moyen et long terme», a indiqué Damien Corvaglia. «Nous discuterons du regroupement des locaux, du personnel, des zones d’intervention, mais aussi des éventuels besoins d’agrandissement.» Il espère qu’à l’automne 2022 débutera la phase préparatoire de la mise en place.
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