Gratuité des transports publics – L’initiative est compromise

Article paru dans La Liberté, 24 février 2022 – Magalie Goumaz

Selon une expertise, la gratuité des transports est incompatible avec la Constitution suisse

«La gratuité des transports publics pour des pans entiers de la population pose des problèmes du point de vue constitutionnel.» C’est la conclusion à laquelle parvient une expertise du professeur Félix Uhlmann de l’Université de Zurich, réalisée sur mandat de l’Office fédéral des transports et récemment mise en ligne. Le professeur de droit à l’Université de Zurich donne ainsi raison au Conseil d’Etat fribourgeois, lequel estimait en août dernier que l’initiative cantonale des jeunesses de gauche demandant la gratuité des transports publics devait être invalidée.

Pour un groupe limité

Le Grand Conseil est appelé à trancher la question, probablement en mai prochain. Mais cette expertise était fort attendue par les membres de la commission chargée du dossier. Comme le Conseil d’Etat, Félix Uhlmann rappelle que la Constitution suisse stipule que «les prix payés par les usagers des transports publics couvrent une part appropriée des coûts». Les pouvoirs publics ont certes une marge de manœuvre pour définir cette «part appropriée». Mais elle ne peut pas être nulle. Pour Félix Uhlmann, c’est également la gratuité des transports publics pour l’ensemble des usagers d’un territoire qui est problématique. Il estime que la gratuité ne peut être admise que pour un groupe de population clairement limité, si elle est justifiable par d’autres objectifs constitutionnels ou si elle poursuit un but promotionnel. C’est le cas par exemple des transports scolaires. Les aveugles et les malvoyants bénéficient aussi de la gratuité dans certaines villes. Les touristes peuvent également se voir offrir des cartes de transport gratuites pour une période limitée. Exit donc la généralisation d’une telle mesure.

«Il reste un flou»

Responsable de l’initiative pour la gratuité des transports publics au sein de la Jeunesse socialiste fribourgeoise, Thomas Gremaud maintient le cap malgré cette expertise. «Ce n’est qu’un avis de droit comme il en sort tous les jours», estime-t-il. Pour lui, la Constitution n’est pas claire sur le sujet. «Il faut faire trancher la population car il reste un flou», déclare-t-il. Ce printemps, tous les regards seront ainsi tournés vers le Grand Conseil.

S’il suit le Conseil d’Etat et constate la nullité de l’initiative, cette dernière est enterrée. Mais il peut aussi admettre sa validité malgré les signaux contraires. Le cas échéant, il devra décider s’il soutient ou rejette la démarche avant de porter le projet devant le peuple. Autre alternative: concocter un contre-projet qui serait plus fidèle à la Constitution.

Le député PLR Savio Michellod préside la commission. Il ne se prononce pas sur le fond mais pour lui, la population doit pouvoir voter sur ce texte. «Ce serait dommage de se priver de ce débat. Et ce n’est pas la première fois qu’on voterait sur un texte qui n’est pas conforme à la Constitution», fait-il remarquer, tout en précisant qu’il défendra la position que prendra la majorité de la commission.

D’autres cantons

Le sujet n’occupera pas que les politiciens fribourgeois. Des initiatives similaires ont été déposées dans d’autres cantons. A Neuchâtel, le Conseil d’Etat a jugé dans un premier temps que l’initiative était recevable. Il s’est mis à douter après la prise de position du Conseil d’Etat fribourgeois et c’est lui qui a demandé cet avis de droit à l’Office fédéral des transports. «Le vote sur les transports publics gratuits s’éloigne», titraient hier nos confrères d’Arclnfo. Dans le canton de Vaud, les signatures ont été déposées en janvier dernier. Il est fort probable que la justice soit appelée à trancher.

Sollicité, l’Office fédéral des transports répond que même si le texte n’est pas conforme à la Constitution, il revient aux autorités des cantons ou des communes de décider si elles organisent une votation sur le sujet. «Mais de telles décisions peuvent être contestées en justice, de sorte qu’avec le temps, une jurisprudence se développe», répond l’OFT, qui précise que la Confédération pourrait également faire recours. ».

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