Des élus font feu sur le bataillon sud

Le projet de statuts de l’association de communes Secours Sud fribourgeois suscite de vives critiques

Article paru dans La Liberté, 19 février 2022 – Charles Grandjean

Pompiers » La réorganisation de la défense incendie met le feu aux poudres dans les trois districts du sud. Une pluie de critiques s’est récemment abattue sur le projet de statuts de l’association de communes Secours Sud fribourgeois, appelée à regrouper les corps de pompiers communaux au sein du bataillon sud à compter du 1er janvier 2023. Mis en consultation le 4 février, le projet devrait être voté jeudi prochain lors d’une assemblée extraordinaire des délégués de l’association Ambulance Sud. Mais rien n’est moins sûr. «Il se peut qu’une demande soit formulée de transformer l’objet du vote des statuts en objet informatif», remarquait hier après-midi le préfet de la Veveyse François Genoud, qui ajoute que les préfectures seront à l’écoute, le cas échéant.

Car plusieurs élus locaux s’inquiètent du déséquilibre entre régions, du risque de démotivation parmi les pompiers de milice, mais surtout d’une hausse des coûts. «L’une des promesses de base du projet, c’était l’économie des coûts en passant à une plus grande échelle. On arrive au résultat inverse», déplore le député UDC Lucas Dupré, également conseiller communal à Villorsonnens. «Les charges liées à notre commune pour le corps des pompiers augmenteraient de plus de 17 francs par habitant pour passer de 36 à 54,40 francs par habitant.»

Etat-major professionnel

Ce renchérissement proviendrait en partie de la professionnalisation de l’état-major du futur bataillon. «On nous demande de former un état-major avec des compétences particulières. On ne peut confier ces fonctions uniquement à des miliciens», estime François Genoud, qui invoque les exigences du cadre légal. «Cinq postes à équivalent temps plein comme maintenant ne suffiront pas. Est-ce qu’il en faudra 8, 10 ou 12?» se questionne le préfet.

En Basse-Veveyse, on appréhende de passer à la caisse pour d’autres régions qui auraient moins investi dans les infrastructures de défense incendie ces dernières années. «Un point crucial pour nous est de connaître les investissements à venir, car nous ne voulons pas payer à double», pointe Savio Michellod, qui mentionne les casernes récentes de Châtel-Saint-Denis et Granges. Pour le syndic de Granges et député PLR, il n’est pas concevable de présenter ces statuts en assemblée communale, sans disposer d’un budget 2023 précis et d’une planification financière. «La commission financière nous demandera des chiffres et au final on se retrouvera avec un préavis négatif», prédit-il. «Je conditionne l’approbation de ces statuts à la communication de ces chiffres.»

«L’aspect financier est pour moi le plus important, admet François Genoud. Il faut que nous trouvions des moyens de rassurer ces communes déjà la semaine prochaine. Mais les statuts ne peuvent pas tout régler. C’est la suite qui sera décisive.» Le préfet évoque l’éventualité d’une location de locaux à l’association durant un certain nombre d’années. Un point que pourrait étudier la commission nouvelle structure, qui sera élue jeudi. Ce sera à elle de reprendre les rênes sur le dossier dès le mois de mars, indique le préfet, qui évoque aussi la nomination d’un administrateur qui pourrait aider à la finalisation du projet cet automne.

Districts minorisés

Savio Michellod remet également en question certains points statutaires. «La Gruyère pourrait à elle seule bloquer une proposition», relève l’élu, en référence aux 55,07% de part de suffrages accordées au district démographiquement dominant. «Ce point peut encore faire l’objet d’une modification», tempère François Genoud.

Le préfet relève au passage que la question de la représentativité a été améliorée au niveau du futur comité de l’association dans le cadre d’une seconde mouture des statuts envoyés il y a une dizaine de jours en consultation. Chaque district disposant désormais de 3 représentants au lieu de 2. Cela reste insuffisant pour Gabriel Kolly, syndic de Corbière, qui pointe une surreprésentation du centre du district de la Gruyère avec un Bullois et un Riazois. Ce député UDC craint aussi une démotivation des hommes du feu. Notamment en raison de rayons d’interventions faisant fi des frontières communales. Selon lui, la base n’a pas suffisamment été impliquée dans le processus.

Un point de vue partagé par Lucas Dupré: «L’attachement au village est ce qui motive le pompier de milice. Qui restera en 2023 quand une alarme sonnera?» Ils redoutent qu’une baisse des effectifs n’entraîne une perte de connaissance des réalités locales. «Il y a des particularités locales, comme les spécificités techniques du réseau d’eau qui n’ont pas été prises en compte», estime Gabriel Kolly.

Le préfet de la Veveyse s’inscrit en faux: «Un groupe de travail intégrait plusieurs commandants de corps. Et puis l’association n’a pas de prise sur le nombre de bases de départ défini au niveau du canton.» La Préfecture de la Veveyse dénombrait hier 4 prises de position émanant de 9 communes du sud. Pour François Genoud, beaucoup de points peuvent encore être améliorés d’ici à l’automne.

Romain Collaud reconnaît que «Tout n’a pas été fait juste»

Adoptée en mars 2021 au Grand Conseil par 95 voix contre une (celle du député UDC Gabriel Kolly), la loi sur la défense incendie et les secours provoque des remous jusqu’en haut lieu. Un récent courrier des députés Dupré et Michellod invitant les communes à demander le report d’un an de l’entrée en force de la loi a poussé le conseiller d’Etat Romain Collaud à intervenir. Une rencontre s’est déroulée lundi, à laquelle a aussi assisté Gabriel Kolly. «Notre objectif était de répondre aux inquiétudes. Beaucoup de fausses informations circulent», explique le ministre. Parmi ces fausses informations? «Une carte mise en consultation que certains ont crue définitive», illustre-t-il.

Si le nouveau conseiller d’Etat reconnaît que «tout n’a pas été fait juste de notre côté, notamment au niveau de la communication», il est en revanche inconcevable pour lui de reporter d’un an l’entrée en vigueur de la loi qui est prévue au 1er janvier 2023. «Des régions comme la Broye et la Singine sont prêtes. Notre rôle est d’amener tout le monde au même but.»

A l’échelon des districts, le préfet François Genoud relève le «travail extraordinaire» nécessaire pour tenir le calendrier, avec de nombreuses séances entre préfectures, au niveau du comité de pilotage et des groupes de travail. Quant aux critiques sur les délais courts imposés aux communes pour se prononcer? «Je peux les entendre.» CG

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