Insertion professionnelle des jeunes et pandémie de coronavirus

Avec mon collègue député Guy-Noël Jelk, nous avons déposé un postulat dont l’objectif est de demander au canton de Fribourg d’apporter une réponse aux jeunes affectés par les conséquences de la pandémie de covid-19. Vous en trouvez ci-dessous le texte complet.

Information du 11.02.21 : nous avons demandé au Grand Conseil d’accepter que cet objet soit traité selon une procédure accélérée, afin d’avoir un rapport sur la question en mars. Le Grand Conseil a accepté cette demande.


Dans son édition du 19 janvier 2021, La Liberté titrait « Etudiants privés de petits boulots », mettant en évidence l’impact de la crise sanitaire sur les secteurs employant des étudiants particulièrement affectés par la crise, au grand regret des jeunes adultes. En date du 28 janvier, les FN mettaient en évidence les conséquences de la pandémie de coronavirus sur la santé psychique et le quotidien des jeunes. Particulièrement touchés par les maladies psychiques et la dépression[2], les jeunes sont nombreux à avoir du mal à se projeter dans l’avenir et à être très inquiets en ce qui concerne les conséquences économiques et sociales de la crise. Dès lors, il s’impose de dresser rapidement un état des lieux de la situation et des besoins des jeunes Fribourgeois et Fribourgeoises ainsi que des outils à notre disposition pour leur venir en aide car manifestement la pandémie continuera à affecter particulièrement la jeune génération en 2021.

Lorsque tous les signaux économiques étaient au vert et avant que la pandémie ne chamboule complètement nos vies, certains jeunes rencontraient déjà des difficultés à trouver leur ancrage dans le monde professionnel. Des résultats scolaires insuffisants, des problèmes psychiques grandissants, un environnement familial peu favorable, un parcours d’intégration difficile, le sentiment de ne pas avoir de place dans cette société, des perspectives de travail peu motivantes … la liste des causes qui mènent un jeune à décrocher est longue, avec l’aide sociale au bout du chemin. 

Avec l’arrivée de la pandémie de coronavirus, cette frange minoritaire et défavorisée de la jeunesse qui se retrouve sur la touche est en train de croître et voit son présent basculer et s’inquiète pour son avenir. Les élèves en dernière année de CO ont de grands doutes et remettent en cause leur choix de métier initial lorsque celui-ci touchait aux métiers de la restauration, de l’art et du commerce dit non essentiel, ne sachant plus si cela sera encore possible de travailler dans ce secteur ; les élèves des classes spéciales au CO sont les plus précarisés et ont le plus de peine à trouver quelque chose car les SEMO sont pris d’assaut ; des apprentis démotivés renoncent à leur apprentissage en cours de route ; ceux qui venaient de terminer leur apprentissage ou leurs études les poursuivent ou en recommencent faute d’avoir trouvé une place de travail. Selon les derniers chiffres communiqués par les universités suisses, le nombre d’étudiants et étudiantes inscrits dans les hautes écoles a explosé en septembre 2020. Malgré tout, l’enseignement à distance met les jeunes qui fréquentent les écoles de degré tertiaire devant d’importants défis et nombreux sont ceux qui abandonnent.

Les jeunes qui n’ont pas eu la chance de pouvoir se réfugier à l’école (à distance), en attendant que la conjoncture reprenne, sont encore plus touchés par la crise. Selon amstat.ch[3], les jeunes entre 15 et 24 ans au chômage dans le canton de Fribourg étaient au nombre de 751 en décembre 2020 alors qu’ils n’étaient que 520 en décembre 2019 (hausse de près de 44 %). Le Service du personnel et d’organisation de l’Etat de Fribourg annonce que 1286 jeunes Fribourgeois entre 15 et 24 ans étaient demandeurs d’emploi en décembre 2020 contre 981 en janvier 2020 (hausse de 31 %). Malheureusement, les statistiques ne nous disent pas combien de jeunes entre 25 et 30 ans se retrouvent sur le carreau, mais il est à craindre que la hausse soit également importante puisque 3983 personnes entre 25 et 49 ans étaient inscrites au chômage en décembre 2020 contre 2954 personnes en décembre 2019, ce qui signifie une hausse de 35 %.

Ces chiffres sont considérables et attestent, comme le confirme une recherche de l’Observatoire suisse de la formation professionnelle OBS IFFP parue le 25.09.2020[4], que la pandémie entraîne une augmentation du chômage des jeunes, en particulier des jeunes qui entrent sur le marché du travail à l’issue de leur formation. Plusieurs milliers de jeunes Fribourgeois se retrouvent en ce moment même sans activité. Or, être inactif pendant plusieurs mois a des effets bien plus dévastateurs chez un jeune que chez un adulte. Bien que courte, la période de la jeunesse est en effet une étape cruciale et délicate de la vie qui donne les bases solides pour un envol dans la vie d’adulte. Un départ difficile dans la vie active a un impact négatif à long terme sur le parcours professionnel. Actuellement nombreux sont les jeunes qui manquent leur envol, le retardent ou craignent de ne jamais réussir à le prendre. Les jeunes attendent un soutien des adultes. Nous devons les aider à retrouver des perspectives et leur montrer que nous sommes là et que nous sommes conscients de leurs inquiétudes.

En mai dernier, les députés Romain Collaud et Nadine Gobet ont demandé ce que pouvait faire l’Etat pour inciter les entreprises à engager des apprenti-e-s, mettant en évidence qu’en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, les commerçants, indépendants et PME pourraient renoncer à engager des apprenti-e-s et que le climat était particulièrement délétère pour les jeunes en recherche d’une place d’apprentissage. Quelques mois plus tard, nous craignons que la récession de l’économie qu’entraine la pandémie de coronavirus n’impacte durablement la formation et l’insertion professionnelle de la jeune génération et estimons qu’il est prioritaire de renforcer l’aide à la jeunesse en y investissant les moyens financiers et humains nécessaires avant que les problèmes ne soient durablement installés. 

C’est pourquoi, au vu de ce qui précède, nous demandons au Conseil d’Etat de rendre un rapport :

> qui identifiera les besoins des jeunes entre 13 et 30 ans en matière d’orientation, de formation et d’insertion professionnelle en cette période de pandémie ;

> qui fera l’état de la situation des mesures d’aide et des moyens mis à disposition par l’Etat, les CO, les écoles du secondaire II et du tertiaire, les communes, les associations, les entreprises et la société civile, pour aider les adolescents et adolescentes et les jeunes à trouver leur place sur le marché du travail ;

> qui fera l’analyse des lacunes constatées dans le dispositif actuel, par exemple en matière de ressources financières, de ressources humaines, de concertation entre les acteurs et de coordination entre les prestations et les offres ;

> qui proposera un plan d’action 2021-2022, avec un budget approprié, à mettre rapidement en

œuvre pour aider les jeunes à sortir avec le moins de séquelles possibles de la pandémie.

Les pistes suivantes peuvent être étudiées:

> élargir, diversifier et augmenter les prestations du Service de l’orientation professionnelle et de la formation des adultes (SOPFA) ;

> clairement répartir les tâches entre les conseillers et conseillères en orientation professionnelle, les médiateurs et médiatrices scolaires et les assistants sociaux et assistantes sociales en milieu scolaire, particulièrement si une réponse positive était donnée au mandat 2020-GC-206 «Schaffung von Schulsozialarbeiter-Stellen an den obligatorischen Schulen von 2022-2024» ;

> intégrer dans le dispositif cantonal d’aide aux jeunes en difficulté d’insertion professionnelle, les offres bas-seuil et de proximité développées par certaines communes et autres acteurs privés proposant un accompagnement individuel, de manière à les mettre à disposition de l’ensemble de la jeunesse du canton. A situations multiples, réponses multiples ;

> créer des places d’apprentissage et de stage ainsi que des postes à durée déterminée (par exemple dans le cadre de traçage ou sur les lieux de vaccination) pour faciliter une première expérience professionnelle au sein des services de l’Etat et des administrations communales. Cette mesure devrait être temporaire et levée dès que possible ;

> inciter les entreprises et les associations à mettre elles aussi à disposition des jeunes, des places de formation, de stage et de travail ;

> inciter les hautes écoles à demander à leurs étudiants et étudiantes quels sont leurs besoins et à y répondre de manière proactive.

Nous remercions le Conseil d’Etat de rendre rapidement son rapport (lors de la prochaine session de mars 2021) pour répondre à un besoin urgent de notre jeunesse.


[2] Etude synoptique de l’OFSP  «Influence du COVID-19 sur la santé psychique». Le CHUV et les HUG apportent des chiffres consternants en ce qui concerne les tentatives de suicide et le nombre de jeunes qui sombrent dans la dépression.

[3] https://www.amstat.ch/MicroStrategy/servlet/mstrWeb

[4] www.iffp.swiss/quandrecessionlinsertionprofessionnelleresultatsdelarecherche

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